Se protéger de l’actualité pour prendre soin de soi

4 Août 2021

Je suis sensible. Je peux pleurer devant une pub (faire du ciel le plus bel endroit de la terre, par exemple, mais aussi des moins glamours). Alors je ne digère pas forcément très bien l’actualité.

Se déconnecter des informations pour sa santé mentale

Je vais enfoncer une porte ouverte, allons-y gaiement : se déconnecter de l’actualité, c’est salutaire. C’est devenu très clair et palpable pour moi en 2015, alors que dans l’association dans laquelle je travaillais, nous avions des problèmes importants avec le ministre de la santé. Entendre sa voix à la radio m’envoyait des décharges électriques dans le corps (j’exagère à peine). Entendre parler de ses décisions délétères me mettait dans une rage folle. Apprendre une nouvelle de ses mesures déclenchait une série d’insultes que j’avais du mal à contenir.

Une fois que j’ai pris conscience de tout ça, et du fait que ça n’apportait rien de bon à quiconque, j’ai activement arrêté d’écouter les infos à la radio et de lire le journal. Je n’étais déjà pas très assidue, là ça a été radical.

Professionnellement, j’avais toujours besoin d’avoir accès à un certain nombre de ces actualités bien sûr. Je me reposais sur mes collègues dont c’était le travail de faire de la veille, sans m’infliger ce qui ne me concernait pas professionnellement, et que je n’étais pas capable de digérer, en plus de ce que je devais digérer à cause de mon boulot (oui, ce ministre nous a bien pourri la vie).

En plus de ça, j’ai continué à suivre certaines personnes sur Facebook qui partageaient régulièrement des infos que je jugeais intéressantes. Et c’est ce que je continue à faire depuis, même si je ne suis plus soumise au stress que j’ai vécu à l’époque.

Je ne suis pas tout à fait déconnectée, mais globalement, il y a toute sorte de trucs qui ne m’atteignent pas, tout simplement parce que je ne suis pas au courant.

…et au contraire s’informer en détail quand on en ressent le besoin

J’ai été tout de même obsédée par les actus début mars 2020 quand je commençais à péter un plomb en voyant tous les touristes à Maurice et en me disant que statistiquement, le covid était déjà ici depuis belle lurette. J’ai suivi le décompte des nouveaux cas d’assez près et quand les supermarchés ont fermé, je me suis transformée en reine de l’actu : j’étais sur tous les groupes pour nous permettre d’identifier et commander ce qui nous manquait (dans un pays où la commande en ligne était balbutiante à l’époque et où on n’avait pas le droit de circuler, autant dire que l’info était précieuse, qu’il fallait y passer du temps). Comme quoi, ce n’est pas parce qu’on se détache des infos que c’est pour la vie, ni qu’on perd toute capacité à les collecter quand le besoin s’en fait sentir. Peu à peu j’ai lâché à nouveau, et je suis à nouveau uniquement ce qui m’intéresse, ou rien du tout.

C’est ma façon de me préserver. Pour d’autres personnes, c’est tout le contraire, ils ont besoin de tout suivre tout le temps et tout bien comprendre pour se sentir bien (comme moi pendant ma phase début covid, ça me donnait une impression de contrôle de savoir, ça me rassurait). Il n’y a pas de meilleure façon de faire, si ce n’est de voir notre mode de fonctionnement et ajuster nos actions en fonction. Et continuer à s’observer.

Choisir ce à quoi on s’expose

Malgré ma consommation plus que raisonnée des infos, j’ai une consommation des réseaux sociaux assez importante. J’y passe du temps, et je choisis avec attention les personnes que je suis : du yoga, du développement personnel, des entrepreneurs, des partages positifs, de l’art, des dessins humoristiques… Malgré tout, ça n’évite pas que parfois je me retrouve face à des infos que j’aurais préféré apprendre différemment.

Par exemple l’an dernier, un matin d’août, assise à ma table de petit déj, je regarde quelques stories (des mini-vidéos éphémères) sur Instagram d’une femme que j’aime bien pour ses partages un peu loufoques bien qu’engagés. Et je tombe, sans préavis, sur une explosion immense, au milieu d’une ville. Et je fonds en larmes. Je continue les stories et j’apprends qu’il y a eu une explosion dramatique à Beyrouth. Je suis face à mon petit déjeuner, qui est un moment tranquille pour moi, et j’ai choisi d’ouvrir une fenêtre sur le monde.

Et ce jour-là, à travers cette fenêtre, même soigneusement entrouverte sur une douce sélection, je me retrouve à voir des choses que je ne suis pas prête à voir, à un moment où je ne suis pas disponible à accueillir de terribles nouvelles du monde. Cet épisode m’a motivée à m’éloigner des réseaux sociaux le matin et le soir, et pendant plusieurs mois j’ai évité les réseaux entre 20h et 8h le matin. Rythme que je cherche à retrouver pour un meilleur équilibre.

Se détacher de l’illusion d’être au courant de tout

Tenir les informations à distance peut paraitre égoïste, inconscient ou que sais-je encore. Ce qui est sûr c’est que c’est un vrai privilège de pouvoir m’en passer, c’est certain : si mon pays était en guerre, si j’attendais la réforme d’une loi pour avoir les mêmes droits que mes concitoyens, si j’étais exclue de certains services à cause de mon genre, mon orientation sexuelle ou mon origine, je n’aurais probablement pas ce luxe là.

Une autre certitude : je suis parfois complètement larguée quand je me retrouve dans une conversation où on me parle d’actu (« tu penses quoi de xx ? » « hein ? Ah je sais pas, j’ai pas suivi, il se passe quoi ? »). Au final, soit ça ne m’intéresse pas, et ce n’est pas grave que je n’ai pas d’opinion, soit ça m’intéresse et j’irai explorer plus tard ce qui m’intéresse ou me touche plus. Dans tous les cas, j’ai arrêté d’attacher ma valeur à ma connaissance de l’actualité (en ayant fait Sciences Po où on est supposés être intéressés par toute l’actualité, tout le temps, ne pas savoir tout ce qu’il se passe dans le monde, c’est le pêché suprême).

S’exposer aux opinions contraires

Dans ma consommation de réseaux sociaux, j’ai choisi de garder des personnes qui n’ont pas les mêmes avis que moi. Pas parce que j’adore voir les gens qui ne sont pas du même avis que moi, globalement c’est quelque chose qui n’est pas évident pour moi, mais parce qu’elles partagent d’autres choses qui m’intéressent, et oui, ça ne me fait pas de mal d’entendre des avis contradictoires.

Dans le milieu dans lequel j’évolue (yoga, bien-être, spiritualité), il y a actuellement une grande partie des personnes qui se positionnent contre le vaccin. Or, je me suis fait vacciner, car oui, j’ai étudié la question, et j’estime que c’est la clé de la sortie de la situation actuelle. J’ai été tentée d’arrêter de suivre ces personnes parce que ça me fatigue (je ressens physiquement de la lassitude quand j’entends ce genre de discours, voire de la colère quand ça vient avec un discours « les vaccinés sont des moutons », ce qui est en totale rupture avec les principes du yoga…).

Mais j’aime tenter de garder l’esprit ouvert et être en contact avec des personnes qui ont des opinions différentes des miennes. Pas parce que c’est agréable, mais parce que ça me challenge : je suis entourée de gens qui pensent comme moi dans la vraie vie, alors un peu de différence dans mes réseaux ne me fait pas de mal (bon, parfois un peu de mal, mais je peux choisir de ne plus regarder le contenu de cette personne pendant quelques jours si besoin).

Choisir ses moments de disponibilité à l’information

Le but pour moi n’est pas non plus de faire l’autruche. Pas du tout. Mais de mettre mon attention là où c’est important pour moi, et aussi quand j’en suis capable. J’ai décidé de mieux choisir les moments où je suis prête à écouter, me renseigner, m’intéresser à des choses difficiles, comme le futur de l’humanité. Qui n’est pas forcément très joyeux. En l’état actuel de nos connaissances en tout cas. Par exemple mon mari en ce moment écoute une série de cours d’un ingénieur qui nous explique, pendant 20 heures, en long en large et en travers, à quel point notre style de vie ne tiendra pas très longtemps. C’est un sujet que je trouve très intéressant, et que j’aime approfondir. Parfois.

Mais certains jours, je n’ai pas envie, je n’ai pas la capacité ni le courage de l’écouter. Parce que c’est dur et que ça fait peur, et qu’il y a des jours où je ne suis pas prête à faire face à ça. Il y a des jours où je préfère regarder des vidéos de petits chats en lisant des romans qui se terminent bien en écoutant les petits oiseaux chanter et en faisant de la respiration alternée…

Une consommation intentionnelle des informations pour préserver son monde intérieur

Choisir notre consommation de l’actualité nous permet de protéger notre santé mentale, de placer notre attention là où ça compte pour nous et d’éviter de se sentir mal au seul son d’une voix. On a chaque jour 60 000 pensées. Et j’ai décidé de mieux choisir les miennes.

Ce n’est pas du déni, c’est de la préservation. Ce n’est pas un manque d’intérêt pour notre monde, c’est une attention à mon monde intérieur. Et ce monde intérieur, c’est ma base pour œuvrer pour le monde extérieur, pour continuer à impacter positivement, à mon échelle.

Voilà quelques pistes pour réfléchir à votre consommation d’actualités :

  • Est-ce qu’être informée est une valeur importante pour vous ?
  • Quels sont les domaines dans lesquels vous souhaitez être au courant de l’actualité ?
  • Quels sont les canaux par lesquels vous souhaitez être informés ? Télé, radio, réseaux sociaux, journaux, newsletters…
  • Y a-t-il dans votre vie actuelle des informations qui vous parviennent et que vous ne souhaitez pas avoir ? Par quel biais ? Comment les réduire ?
  • Y a-t-il des temps où vous avez plus de disponibilité mentale pour vous renseigner sur des sujets qui vous tiennent à cœur ?

Quand j’essaie de lire le journal en espagnol après même pas trois mois d’apprentissage. J’adore lire les journaux des pays que je visite, ça me donne l’impression d’être une locale ! 

Et vous, quel est votre rapport à l’actualité ?

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