J’aimerais bien aller toujours bien

7 Avr 2021

« Je ne suis pas à plaindre ». C’est ce que j’entends beaucoup autour de moi. Des gens qui se sentent mal et qui se rabâchent à longueur de journée « je ne suis pas à plaindre, y a plus grave ». C’est sûr, il y a plus grave. Et puis il y a vous, ce que vous ressentez ici et maintenant, et ça, c’est ce qui est (se dire « on n’est pas à plaindre » vous aide peut-être à relativiser, et c’est top si c’est le cas !

On a tendance à se le dire à soi-même pour essayer de réfréner une émotion en soi, et on a aussi tendance à le dire aux autres quand ils expriment une émotion difficile. Et typiquement, la personne d’en face peut se sentir rabaissée, pas écoutée quand on lui dit ça. Attention, je ne dis pas que vous êtes le mal incarné si vous l’avez déjà dit. On a tous dit des variations de tout ça, parce que des fois, on est juste désarmés.
 

A la liste des choses qu’on dit et qui généralement n’aident pas, il y a « ça va aller ». Je l’ai beaucoup entendu à une période de ma vie, et tout ce que ça me donnait envie de faire, c’était de hurler « mais qu’est-ce que t’en sais ? » (je vous épargne la version peu polie).  

On (se) dit ce genre de chose avec une bonne intention. En vrai, on ne sait pas quoi dire, donc on dit un truc facile à dire. Généralement, l’autre personne n’attend rien d’autre que d’être écoutée. Puisque de toute évidence, à certains moments de la vie, il n’y a rien d’autre à faire qu’à attendre et voir, et donc on voudrait juste parler et qu’on nous serre dans ses bras ou qu’on nous écoute vraiment. Sans nécessairement nous comprendre. Quand on est la personne qui écoute, c’est un exercice très périlleux (je trouve).

Bref, on sort ces phrases toutes faites, à nous ou aux autres, parce que les émotions difficiles, on ne les aime pas, ni chez nous ni chez les autres. On n’a pas envie de les vivre, on n’a pas envie que les gens qu’on aime les vivent, on veut aller bien tout le temps, on veut que tout le monde aille bien tout le temps.

Et clairement, en 2021, je pense qu’on a compris que non, on ne va pas bien tout le temps. Et c’est totalement normal. Covid ou pas Covid (pourquoi on lui donne une majuscule à celui-là, sérieusement ?), confinement ou pas confinement, crise ou pas crise.

A l’intérieur de nous, il y a une myriade de trucs qui se passent. En écho à ce qu’il se passe à l’extérieur, mais aussi, juste à l’intérieur, avec nous-même. Parfois, on ne sait même pas pourquoi, mais une émotion est déclenchée. Elle est désagréable à vivre. D’ailleurs, on dit souvent « émotion négative ». Je n’aime pas utiliser ce terme-là. Il n’y a pas d’émotion qui soit négative. C’est ce genre de qualificatif qui nous les fait fuir encore plus : « je ne vis que du positif, love and light, tralalala youpi » (et j’enfonce au passage ce qui ne me plait pas bien profondément en moi).

L’expérience humaine est composée d’émotions agréables, douces, enchantantes. Elle est composée aussi d’émotions difficiles, désagréables, dures. On est humains, on vit toute cette palette d’émotions.

Mais on n’a pas appris à vivre avec. Et ce n’est pas du tout naturel pour beaucoup de monde de rester avec nos émotions difficiles. Moi la première. Je suis la reine des solutions, et donc s’il y a un problème, il y a une solution : s’il y a une émotion qui m’embête, je vais la ratiboiser au sécateur, qu’on en finisse une bonne fois. Bon, a priori, ça ne marche pas comme ça. Le sécateur, ça ne fait que renforcer la pousse : si je ne prends pas le temps de la déraciner avec délicatesse, et donc de voir bien quelles sont toutes ses ramifications, jusqu’où elle va, dans mon corps, mon cœur, mon esprit, elle va pousser comme une plante tropicale invasive.

Prendre le sécateur pour couper l’émotion, c’est la fuir. Et ça ressemble à quoi de fuir une émotion ? On va sentir monter la tristesse par exemple, et on va chercher à s’en divertir absolument : on va manger un truc qui nous fait plaisir, on va regarder des vidéos de chats sur YouTube, on va aller se noyer dans les méandres des réseaux sociaux (ou plein d’autres choses encore, et on peut faire toutes ces choses là). On ne veut pas voir, on ne veut pas aller regarder, on fuit.

Et ça va peut-être bien marcher sur le très court terme. Et attention ! Des fois c’est vital de faire ça : on pète un plomb et on a besoin d’un truc pour ne pas voir l’émotion, ne pas la traverser maintenant parce que ce n’est pas le moment.

Si on est en confinement avec 3 enfants, dont 2 à l’école primaire, des devoirs par-dessus la tête, la maitresse qui fait des commentaires pas les bienvenus sur le manque de qualité des devoirs, et les cris d’enfants qui n’ont pas le droit de sortir jouer dans la rue : on fait ce qu’on peut pour arriver à la fin de la journée, on est bien d’accord. Donc on n’est pas là en train de se dire qu’on ne va plus jamais fuir une émotion désagréable de notre vie. On peut essayer d’être plus consciente. On peut essayer de prendre 30 secondes, au milieu du chaos pour respirer 3 fois profondément, décrisper nos muscles et essayer de voir ce qui se passe là.

Donc, bien sûr, je parle des cas où on a le choix. Dans ma vie idéale, j’ai toujours le temps de traverser une émotion difficile. Dans ma vraie vie, ce n’est pas qu’une question de temps : parfois je n’aurai pas envie, pas le courage, juste envie de m’évader, oublier ce qui me tourmente, et c’est parfaitement OK. Mais j’ai bien remarqué, sur les quelques mois écoulés, depuis que j’essaie vraiment de le pratiquer, que c’est ce qui m’apporte le plus d’alignement avec moi-même : me laisser vivre ce qui est, traverser, et en ressortir grandie. Une copine dans mon groupe d’entrepreneures m’a dit « tu as eu un passage à vide, et depuis, je te trouve sereine et posée, tranquille et déterminée ». La seule chose qui a changé, c’est que j’ai vécu une déception et au lieu de faire style (auprès de moi-même) « ouais ça va, tout roule », j’ai accepté que j’étais déçue, que j’étais triste, pas contente. Ça ne veut pas dire que je pleurais toute la journée ni que tout le monde autour de moi le savait. Non, ça veut juste dire qu’à l’intérieur de moi, j’ai respiré plein plein de fois, j’ai relâché mon corps plein plein de fois, j’ai ressenti tout ce qu’il se passait dans mon corps (et il s’en passe, des choses, dans nos corps), j’ai observé, et j’ai dit « OK. OK tout ce qui est là est là. OK mon estomac est lourd, ou ma gorge est nouée ou mes jambes sont tendues. OK. »

Et puis peu à peu, c’est passé, c’est devenu plus léger, plus fluide, et je peux dire que j’ai grandi. C’était pas le but, le but c’était juste de me permettre d’être et d’arrêter de me contraindre, et surtout d’arrêter d’essayer d’être bien tout le temps ce qui fait qu’après j’explose à un moment pas du tout approprié. Quand l’émotion qu’on fuit / qu’on enfonce bien profondément en nous / qu’on coupe au sécateur (en fonction de la version qui nous parle le plus), quand cette émotion là rejaillit, c’est plus fort, plus dur, plus violent peut-être. En tout cas pour moi. Pour certaines, ça va être une explosion lors d’une discussion avec leur partenaire, au travers des devoirs des enfants, ou dans une réunion avec les collègues : on va réagir démesurément (par rapport à nos réactions habituelles, pas par rapport à un supposé standard), on va s’enflammer, nou pou sap lor kal (on va pêter un plomb).

La façon de traverser mes émotions qui marche le mieux du mieux pour moi, c’est… le yoga. Haha grande surprise ! Même si je pratique de plus en plus RRSOP sans mouvement, dans mon quotidien, rien de tel, pour moi, que de passer par le corps. Soit je me laisse porter par mes envies, soit je choisis une séance douce, proche du tapis. Mais pour vous ce sera peut-être au contraire une séance plus active ou carrément autre chose.

Dans tous les cas, on s’assure de :

  • placer notre attention sur la Respiration, en respirant de plus en plus profondément…
  • …Relâcher notre corps, pour pouvoir…
  • …Sentir ce qu’il s’y passe…
  • …Observer ce qui est…
  • …et Permettre à ce qui est d’être, tout simplement

Et des fois, oui, les larmes montent. Des fois, oui, le simple fait de déposer le front sur le tapis et déjà tout est différent. Faire circuler l’énergie dans le corps n’a pas son pareil, pour moi, pour vivre mes émotions difficiles. J’ai déjà déroulé mon tapis dans la rage absolue, en revenant du travail. Le yoga, c’est ça aussi. Nous aider à traverser des moments d’inconfort profond.

Superposition des émotions (mon interprétation) - Photo de Callum Skelton

Superposition des émotions (mon interprétation) 

Photo de Callum Skelton

2 Comments

  1. brigitte grillet

    Merci merci merci pour tes précieux conseils. Je ressens beaucoup de bien, être en te lisant et en pratiquant ton yoga.
    Tu m’apaises et tu me rends moins triste.

    Reply
    • Emilie

      Bonjour Brigitte !
      Merci pour votre message, je suis ravie de pouvoir vous apporter une petite bulle de douceur 🙂
      Prenez soin de vous ! ♡

      Reply

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