Jeudi, après 4 mois de fermeture, les plages ont rouvert. Et le nombre de pas que nous faisons tous les jours a subitement explosé ! Oui, on vit à Maurice, mais on ne passe pas beaucoup de temps allongés sur la plage, ni même à nager dans l’océan (encore moins en plein hiver !). Non, pour nous, l’intérêt de la plage, c’est surtout de marcher (et c’est sûr, se baigner, mais je réalise que c’est vraiment secondaire).
J’adore marcher sur la plage. Le sable dans les orteils. Faire une pause et s’allonger à même le sable sous les filaos ou sous les parasols des hôtels fantômes. Sentir le soleil d’hiver qui chauffe la peau, ou les rayons d’été qui essaient de percer les manches longues et le chapeau.
J’adore marcher tout simplement. C’est mon mode de fonctionnement. Quand je suis dans un nouvel endroit, ma seule façon de l’apprivoiser, c’est de marcher. C’est ma façon de découvrir. Quand on est en voyage, dans une grande ville, on se fait parfois des journées à 40000 pas. Parce que tout ce qu’on sait faire, c’est déambuler au gré de nos envies. Parfois on se fait une obsession sur un monument ou sur une place ou une rue particulière, et on va y revenir peut-être 10 fois sur un séjour de 3 jours (coucou Casa Rosada à Buenos Aires !). On marche, on boit un café, on mange une empanada, une crêpe ou une gauffre et c’est reparti.
Quand je marche, je vois plus de choses, plus de détails, je ressens mieux. L’ambiance, l’air, les gens, le paysage. Et je pense que pendant que je marche, il y a beaucoup de choses qui se passent en arrière plan, dans ma tête. Que je marche en ville ou dans la nature, que ce soit pour la balade ou pour me déplacer d’un point A à un point B, j’apprécie toujours. Mille fois plus que de prendre un véhicule pour me déplacer en ville par exemple.
Quand j’étais employée, il m’arrivait souvent de marcher à fond la caisse du bureau à mon point de rendez-vous, plutôt que de prendre une voiture, subir les embouteillages, chercher une place… Là, je maitrisais mon emploi du temps, et je me sentais bien mieux pour ma réunion que si j’avais eu à venir en voiture. Généralement je trouvais aussi plein de solutions pour les problèmes en cours (et j’a-do-re trouver des solutions). Je réalise bien sûr que c’est un privilège immense de pouvoir galoper à travers les ruelles de Port Louis, merci mon corps. Grand privilège aussi que celui de travailler en Birkenstock (chaussures tout terrain nécessaires dans les pavés défoncés de la capitale !)
Marcher donc. Apaisant. Ressourçant. Energisant.
J’ai souvent des pics d’inspiration en randonnant. J’écris dans ma tête. Bon, c’est perdu à tout jamais, mais je philosophe à fond. Tout en étant très présente à moi-même, parce que plus ça monte, plus c’est dur, plus je suis chargée, plus c’est dur. Et quand c’est dur, j’ai besoin de mobiliser le souffle et la présence au corps.
Et la rando ça pardonne pas. Dès que je ne suis plus présente à moi, je me casse la figure. Parfois royalement. Comme lors de notre PREMIERE randonnée pendant nos 3 mois de voyage en Patagonie. Chargée comme un bœuf, après une longue journée éprouvante, complètement épuisée, en pleine descente, juste avant de monter la tente, je me suis étalée, le nez contre le sentier, la cheville tordue, l’appareil photo entre moi et le sentier, le sac qui m’enfonçait encore un peu dans la terre. Complètement incapable de me relever seule. Certaine de m’être cassé la cheville. En train de pleurer, le nez écrasé dans la poussière, l’appareil photo dans mes côtes (je suis comme les enfants, peur + fatigue = larmes).
Juste avant de tomber, tout ce à quoi je pensais, c’était de m’arrêter, je laissais la gravité m’emmener toujours un peu plus bas dans cette descente qui n’en finissait pas. Je sais maintenant que plus je suis fatiguée en randonnée, plus je dois rester avec mon souffle. Et parfois m’arrêter pour manger. Pas goûter, mais manger. Il m’est arrivé, un mois plus tard, lors d’une longue étape, en faisant une pause à l’heure du goûter, alors qu’il nous restait encore 2 ou 3 heures de marche de réaliser qu’il me fallait un vrai repas. L’avantage de trimballer la maison sur le dos, c’est de dégainer au bord du lac le réchaud, la purée en flocon et le sachet de thon (oui du thon en sachet, en rando, c’est ce qu’on a trouvé de plus facile, donc adieu le végétarisme pour l’instant en rando).
La marche, ça peut même être carrément thérapeutique. Il se passe tellement de chose en nous quand on marche. Peut-être avez-vous lu ou regardé Wild, l’histoire vraie de Cheryl Strayed qui se met au défi de traverser les Etats-Unis du Sud au Nord à travers le désormais mythique PCT (devinez qui a envie de le faire depuis qu’elle a lu le livre) ? Un très beau récit où Cheryl cherche à dépasser une étape difficile de sa vie, et elle nous emmène avec elle sur les sentiers, dans ses galères et ses joies. On rit et on pleure avec elle. Et après ses 1700 kms (oui quand même), elle est une femme changée. Elle s’est trouvée.
Dans un autre genre mais avec la même puissance de transformation, Marche et invente ta vie de Bernard Ollivier nous partage les galères et les succès de jeunes de 14 à 18 ans qui ont bénéficié d’une randonnée de 2000 kms sur 110 jours, en binôme avec un adulte, sans téléphone ni musique, et encore moins internet (oui quand même). Le jeune décide à tout moment de continuer ou d’arrêter. A travers le livre, on découvre des tranches de vie de ces adolescents plus que chahutés par la vie, et de ce que cette marche incroyable leur a apporté. Ce récit m’a bouleversée. On a dans nos pieds une puissance de transformation insoupçonnée.
Qu’on marche pour le plaisir, parce que pas le choix, pour se (re)trouver ou carrément pour se sauver la vie, on a mille et unes choses à savourer dans ces moments. Prenons le temps de le ressentir, en pleine conscience, ou en déroulant des histoires dans sa tête, ou peut-être un peu des deux… La marche, c’est un peu comme le yoga, ce qu’il se passe avec les pieds sur les sentiers, on l’emmène avec nous dans la vie…
0 Comments
Trackbacks/Pingbacks