Satya, c’est le deuxième yama, selon les Yoga Sutras de Patanjali. Les yamas, ce sont ces normes éthiques de comportement en société.
J’avais abordé le premier des yamas, Ahimsa, la non-violence, à travers l’angle du végétarisme et de nos relations aux autres. Amhimsa est la base de tous les yamas et des niyamas, et donc celle sur laquelle s’appuie Satya.
Satya est décrite dans les Yoga Sutras, au sutra II-36 « Satya pratiṣṭhāyām kriyāphalāśrayatvam. » Une des traductions possibles : « Lorsque nous sommes fermement établis dans le respect de la vérité, nos actions sont naturellement couronnées de succès. »
Satya, ne pas mentir ?
Satya, la vérité. La vérité, « facile » allez-vous me dire, c’est ce qu’on dit aux enfants depuis le plus jeune âge : « il ne faut pas mentir, ce n’est pas bien ». Et on est désarçonné pourtant de voir que certains enfants mentent quand même, droit dans les yeux, avec un aplomb incroyable. Je sais pas si c’est tous les enfants, et n’étant pas une spécialiste moi-même (haha), je me réfère à mon expérience d’enfant : oui, j’ai bien menti.
En discutant avec une amie il y a quelques temps au sujet de sa fille qui persistait à lui mentir, je lui disais que quand j’étais petite, il m’arrivait de ne pas dire la vérité dans le seul but de me protéger de ce que je croyais que les conséquences allaient être (et les conséquences c’est toujours pire dans la tête qu’en vrai, hein, on est d’accord).
Et au final, la peur, c’est bien souvent ce qui nous empêche de vivre ou de dire notre vérité : peur des conséquences, peur du jugement des autres, peur de déplaire… Peur, peur, peur.
Satya, adossée à Ahimsa
Donc oui, bien sûr, Satya, c’est en partie ne pas mentir. Dire la vérité. Mais pas à tout prix. Satya s’appuie sur Ahimsa. « Toute vérité n’est pas bonne à dire », et pour moi, c’est vraiment en lien avec cette dimension de ne pas faire de mal.
« Que ta parole soit impeccable » nous rappellent les accords toltèques. C’est le premier et la base de tous. Il s’agit ici de parler avec intégrité et de se rappeler que nos mots ont un poids. Une conséquence directe sur la personne à qui on parle. Alors bien sûr, chacun est responsable de ses pensées par rapport à ce qui lui est dit. Dans la réalité, quand on fait face à un discours, on peut être blessé, tout simplement.
Parfois c’est nécessaire d’exprimer une vérité, et parfois non. Parfois, on dit certaines choses, juste parce que ça nous fait du bien à nous, mais ça ne nourrit en rien la relation. Au contraire, ça peut la desservir. Il y a aussi la façon de dire cette vérité. Parfois c’est la colère qui prend le dessus, on dit des choses vraies pour nous, mais on les dit mal. De façon blessante. Et contre-productive. J’ai eu un tel épisode fin 2020, où j’ai endommagé une relation. Tout ce que je disais était vrai, selon ma perspective, et devait être dit. Mais sur un autre ton. Avec une autre démarche, plus ancrée dans la compassion.
J’ai mis des mois à digérer cette colère, et à pouvoir exprimer ma vérité autrement, de façon plus douce et plus alignée avec moi. Parce que même si j’ai une belle capacité à monter sur mes grands chevaux, ma tendance « naturelle » (ou peut-être acquise, en tout cas, ma tendance principale), c’est de ne pas dire pour ne pas froisser. Parce que ça me met sérieusement en difficulté, de penser que je blesse une personne. Et donc des fois, souvent, j’ai préféré me taire.
Satya, pour pouvoir être soi, vraiment
J’ai été pas mal bousculée, professionnellement, quand j’étais dans mon dernier emploi salarié, car j’ai du apprendre très vite à devoir dire des trucs confrontants. Pour faire mon travail correctement, j’ai donc appris à dire, vite et bien, ce que je devais dire à mes collègues, à des associations partenaires ou même à des institutions qui finançaient notre action. C’était incroyablement flippant (« je vais les blesser,on va s’engueuler, haaaaaaaa ») et vu que c’était fait dans cette énergie et avec maladresse au début, c’est sûr, ça n’a pas été de tout repos. Ni pour eux ni pour moi !
Le plus grand mot que j’ai appris à dire, c’est NON. NON. NON. Ce mot puissant, je ne le connaissais pas vraiment avant. Je le connaissais à l’intérieur, mais pouvoir le dire, c’état autre chose. Mais c’est ça aussi, Satya, dire ce qui est juste ou pas pour nous. Et ça m’a aidée de passer par la case travail : en le faisant pour une cause qui me dépassait, j’ai appris à le faire aussi pour moi, à mieux exprimer ce qui me convenait ou pas, à mieux définir mes engagements, etc.
Ca reste un défi pour moi de dire quand je ne suis pas d’accord. Pas toujours et pas avec tout le monde, mais quand même. Et avoir la notion de Satya en tête me permet de mieux exprimer ma vérité, ça me permet de me souvenir que je suis là pour vivre ce qui est juste et vrai pour moi, et qu’il est donc nécessaire de l’exprimer.
Je rattache aussi la notion de Satya avec celle d’authenticité. Etre soi de façon authentique, sans voile, sans essayer d’être quelqu’un d’autre, sans chercher à faire quelque chose pour convenir à la société, au jugement des autres. C’est puissant, d’être soi, pleinement soi, d’assumer qui on est, comment on vit, de voir et d’assumer aussi, parfois, nos contradictions. D’être alignée. Sans vouloir plaire à quelqu’un, sans vouloir fare plaisir !
Satya, pour ne pas s’identifier à ses émotions
Ce qui m’aide aussi à vivre Satya, c’est de ne pas m’identifier à mes émotions, en tout cas à me rappeler qu’elles sont impermanentes. Nous ne sommes pas nos émotions. Nous ne sommes pas nos pensées non plus. Satya nous invite à nous laisser traverser par nos émotions, puis à nous en détacher pour nous connecter à notre nature profonde…
« Sat », en sanskrit, c’est la nature véritable. Satya, c’est se connecter à notre nature véritable, qui est là, quelque part, peut-être un peu enfouie, en nous. Et une des façons de le faire, c’est de faire du yoga, de la méditation, de respirer avec soi-même, régulièrement…
Satya, c’est donc aussi savoir s’écouter, se fier à son intuition… Apprendre à se laisser cet espace, c’est permettre à notre vérité d’émerger, d’apparaître. Car oui, elle peut être enfouie sous des années et des années de conditionnement. Et c’est ça aussi qui peut apparaître sur le tapis de yoga : une plus grande relation avec nous-même.
Et Satya sur le tapis ?
Comme tous les autres yamas et niyamas, on les retrouve aussi dans notre pratique de yoga postural. Sur le tapis, Satya, c’est voir la vérité de ce que notre corps peut ou ne peut pas faire : aller moins loin quand une douleur apparait par exemple, mais aussi essayer cette posture qu’on est sûres de ne pas réussir à faire… Et si en fait, on parvenait à faire une version de cette posture qui nous convienne…?
Pour explorer Satya à votre tour…
Voilà quelques questions de journaling que vous pouvez explorer autour de Satya. Sortez votre plus belle plume et votre joli cahier (ou une feuille de brouillon et un vieux crayon machouillé, ça marche aussi !) :
- Qu’est-ce que ça veut dire, pour moi, être vraie ? Qui suis-je quand je suis vraie ?
- Qu’est-ce qui m’empêche d’être vraie ? Pourquoi ?
- Dans quelle situation j’ai récemment dit oui, alors que je sentais que je devais dire non ? Pourquoi j’ai dit oui ? Qu’est-ce que je cherche à protéger ?
- Comment puis-je exprimer ma vérité dans toutes ses facettes ? Dans quels domaines je souhaite dire ma vérité ?
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