Avant toute chose : le végétarianisme est un choix, n’en déplaise à celles et ceux qui font du prosélytisme. Chacun son choix avec sa réalité, ses besoins, son corps, son histoire, ses valeurs, sa santé… Être végétarien, végétalien ou végane, c’est un choix, tout simplement. D’ailleurs, quelle est la différence ?
- Végétarien : ne mange pas de chair (ni viande, ni poisson, ni fruits de mer : une personne qui consommerait seulement des poissons et des fruits de mer serait pesco-végétarienne par exemple)
- Végétalien : ne mange pas de produits d’origine animale – pas d’œufs, pas de produits laitiers, pas de miel
- Végane : ne consomme aucun produit d’origine animale, ni dans son alimentation, ni dans le reste de sa vie (habillement, décoration,…)
Devenir végétarienne : le déclic
En 2013 ou 2014 j’ai lu une phrase dans un bouquin que lisait mon mari et je suis devenue végétarienne. Est-ce que le mec qui a écrit le bouquin est un génie pur ? Non, il a eu la phrase qui m’est arrivée au bon moment, après des années à ne pas manger de viande le lundi parce que j’allais au yoga (tiens donc) et le jeudi parce que c’est jour de carême dans ma belle-famille (pour un Dieu, je ne sais plus lequel, j’avais promis à ma belle-mère). Pendant toute cette période, je savais que je ne voulais pas contribuer à la souffrance animale, mais je continuais à manger les animaux… Jusqu’à cette phrase.
Cette phrase, c’était quoi ? En gros, qu’on ne devrait manger que ce qu’on peut tuer soi-même. Ça a été radical. Je sais que je peux tuer les fourmis (je suis génocidaire en la matière), les moustiques (aussi, ahimsa ne s’applique pas à eux), les cafards (mais si quelqu’un est là pour les tuer, c’est mieux parce que j’ai un peu peur). Les araignées, on avait choisi de les laisser vivre, puis on a été envahis, donc on a dû les ratiboiser un peu, et les lézards font leur vie chez nous (ça m’étonne qu’aucun ne se soit invité en cours de yoga d’ailleurs !). Les autres animaux que j’ai déjà tués volontairement, c’est quelques poissons dans mon enfance.
Cette phrase m’a permis le déclic qui me manquait pour devenir végétarienne. En plus je n’aimais pas particulièrement la viande, donc ce n’était rien de très compliqué à mettre en place. Ni une ni deux, je suis devenue « veg » (« vedje ») comme on dit ici. Sans aucun souci. Et puis, à force de voir les recettes véganes, de découvrir les souffrances liées, très souvent, à la production des œufs et du lait, j’ai décidé d’être végane : pas de produit d’origine animale, ni dans mon alimentation, ni dans le reste de ma consommation. Je le suis restée pendant 2 ans, avec de rares exceptions sociales (« merci d’avoir fait un gratin, mais tu sais, je ne mange pas de fromage ni de crème » = je ne suis pas capable de dire ça).
Etre végétarien-ne, c’est aussi recevoir beaucoup de questions sur son alimentation
L’expression d’Ahimsa, la non-violence, par rapport au végétarianisme / végétalisme / véganisme, c’est aussi de ne pas poser 36789 questions aux végétariens sur leur état de santé, leurs prises de sang, leur taux de protéine journalier. Parce que c’est très répétitif, d’une part, et très intrusif aussi, on ne demande pas cela à une personne omnivore. C’est aussi accepter leurs contradictions : certains pourront par exemple faire un petit écart de temps en temps, en mangeant un poisson en vacances (c’est mon cas), et d’autres ne peuvent tout simplement pas voir un steak sans voir l’animal mort (aussi moi, disons que mon niveau de compassion est plus élevé pour les vaches que pour les poissons…). Bien sûr, rien ne vous empêche de poser des questions bienveillantes, dans un cadre respectueux…
Généralement, les gens qui posent le plus de questions, ce sont celles qui se sentent à la fois appelées, et interpelées au niveau de leurs valeurs, mais aussi qui ne voient pas comment elles pourraient arrêter la viande. Le fameux clash entre valeurs d’un côté et de l’autre réalité, culture, habitudes de vie, goûts ancrés, etc.
L’équilibre entre valeurs, plaisir, réalité
Le végétarianisme, c’est un peu l’exemple facile d’Ahimsa, la non-violence. Facile et pas facile, car composé de plein de nuances. Et dans mon cas de compromis et d’arrangements avec moi-même. Après avoir passé 2 ans à dire « je suis végane », le retour des produits laitiers et des œufs dans mon alimentation n’a pas forcément été facile à assumer. Comme si c’était reconnaitre la défaite du véganisme. Alors que non. C’est juste que c’est ce qui me convient le mieux actuellement.
Parmi mes compromis, il y a des œufs produits par des « poules heureuses », en tout cas c’est ce qui m’est vendu : elles gambadent dans la nature, d’après ce qu’on me dit et les œufs ont toute sorte de formes et de couleurs. C’est un privilège. Un œuf coûte à peu près 2 fois le prix de l’œuf vendu en supermarché. Un autre compromis, c’est le fromage. J’en mange aux « grandes occasions » (le bon fromage est vraiment cher de toute façon à Maurice), et sur les pizzas que j’achète. Et le dernier compromis, c’est le lait dans le chocolat au lait (honte à moi), les glaces et les tiramisus. Pour le reste, je fonctionne avec les substituts qui fonctionnent bien pour moi et j’ai changé mes habitudes : le lait de coco est tellement meilleur dans les spaghettis que la crème, le café sans lait, ça fonctionne très bien, il faut juste avoir du bon café…
J’ai été capable d’aller loin dans mon aventure de végétalisme, pendant toute une période, j’ai mixé des noix de cajou pour faire mon lait végétal pour boire mon café au boulot. Est-ce pratique de se trimballer avec un petit pot de lait de noix de cajou à travers l’île ? Non. Est-ce logique ? Pas tellement. Est-ce que ça me faisait plaisir de le faire ? Ouiiiii !! J’ai adoré cette expérimentation. Et quand c’est devenu lourd et pénible et que j’avais envie de manger des œufs à chaque repas et du fromage et tout ça, j’ai lâché prise. Parce que je ne crois pas que tomber dans le dogme et le sacrifice nous aident vraiment à rendre le monde meilleur.
Parce qu’il s’agit bien de cela, avec Ahimsa, le premier des Yamas, la base de tous les autres, de rendre le monde un peu meilleur, une action consciente à la fois.
Quelques idées reçues sur le végétarianisme / végétalisme / véganisme
Ca coûte cher
Faux. On mange très équilibré pour pas cher du tout. Du riz, des pois chiches et des épinards par exemple (y a-t-il un Mauricien qui sait dire brède en français ? Je traduis ça par épinard dans le désespoir. En gros à Maurice, on mange les feuilles de beaucoup de plantes, par exemple les feuilles de l’équivalent local du potiron, ou de la christophine. Bref, c’est du feuillu vert). Des œufs, du pain, une salade. Du taboulé avec des amandes et des pois chiches.
En plus globalement les produits expirent moins vite que la viande ou le poisson, donc moins de pression sur la gestion du frigo (je fais pas la maline, parce que je ne suis pas une experte dans le domaine !)
C’est long et compliqué de préparer des repas végétariens / végétaliens
Non, c’est comme préparer un repas normal, on peut faire des recettes vite fait bien fait. Vous avez peut-être une vision de recettes compliquées, mais n’oubliez pas que beaucoup de choses du quotidien sont déjà végétariennes : un gratin, un plat de pâtes, une salade composée, une tarte, une poêlée de champignons…
« On peut plus t’inviter depuis que t’es végétarienne ! »
Bien sûr que si ! Je ne peux pas parler pour les autres, mais globalement, je suis toujours très contente qu’on ait pensé à moi en me faisant un plat juste pour moi, ou en mettant toute la tablée au végétarianisme pour un repas. Je trouve ça très chouette. Si la personne est végane, c’est peut-être plus compliqué d’adapter les plats, n’hésitez pas à lui demander des idées ou des astuces !
Les chaussures véganes, ça coûte un rein
Les chaussures véganes, ça coûte un peu, c’est sûr. Et comme toujours avec les chaussures, on n’est jamais sûres à 100% qu’on va y être vraiment bien dedans à la longue, comment vont-elles vieillir, comment vont-elles supporter l’humidité (coucou les Mauriciennes !)… Ce que je fais : je me les suis faites offrir (par mon frère !), et sinon, j’achète d’occasion des chaussures en cuir. Donc des chaussures très peu, voire jamais, portées (il vaut mieux éviter de porter des chaussures qui ont l’empreinte du pied de la précédente propriétaire, ça va jouer sur les articulations). J’ai fait pareil avec ma ceinture et mon sac à mains. En France, il y a Vinted, les friperies de plus en plus nombreuses en ville, et plein d’autres sites et personnes qui vendent à distance… Et à Maurice, il y a The Good Shop et Ju & Marinette…
Etre végane, c’est extrême
Non, ça n’est pas extrême, mais ça demande une bonne dose de volonté pour le devenir et le rester ! Si on a déjà eu des troubles du comportement alimentaire, transitionner vers une alimentation purement végétalienne, ça peut être difficile, voire faire resurgir des difficultés du passé : soyez attentives à cela, et respectez-vous, avant toute chose !
C’est dangereux pour la santé
Non, sauf si bien sûr vous avez un avis médical contraire. Manger végétarien ou végétalien n’est pas synonyme de déséquilibre alimentaire ou de carence. Par contre, il vaut mieux bien sûr veiller à l’équilibre général de vos assiettes et vous supplémenter en vitamine B12 (une vitamine qu’on ne trouve pas dans l’assiette végétalienne, et en faible dose dans l’assiette végétarienne). La carence est fréquente même chez les omnivores, particulièrement chez les plus de 50 ans. J’utilise la VegOne, et de façon générale, on préfère utiliser de la B12 à base de cyanocobalamine (selon les recommandations de la Fédération Végane).
Et les protéines alors ? On trouve des protéines dans une très large palette d’aliments. Personnellement, je m’assure d’avoir un apport important en protéines au moins au repas du midi (pois chiches, haricots rouges, oeufs au plat…), sinon j’ai faim dans l’après-midi…
C’est difficile d’arrêter la viande
Ca dépend des gens. Pour certaines personnes, c’est du jour au lendemain, pour d’autre, ça prend du temps. On peut commencer par réduire, un repas à la fois… Je conseille de ne pas tomber dans le piège de vouloir absolument remplacer la viande avec des sortes d’équivalents véganes ou végétaux, parce que ce n’est pas toujours très bon (on a fait des heures de cuisine pour notre premier Noël végane, c’était très élaboré, avec du faux foie-gras, et tout, mais c’était vraiment pas à la hauteur de nos espérances, c’est bien meilleur maintenant qu’on n’essaie plus d’imiter !) Donc c’est difficile, oui et non. Comme d’habitude, le principal est de savoir pourquoi on le fait : si la raison pour laquelle on veut réduire notre consommation de produits animaux nous parait suffisamment importante, nos efforts nous paraitront beaucoup moins difficiles !
Bonjour, concernant les œufs, je me pose la question, un œuf non fécondé, respecte t il l’ahimsa. Il ne contient aucun embrion, et peux tout à fait être produit par un animal libre vivant en plein air, comme je peux en voir dans la campagne chez mes grands parents. Cet œuf ne peut être destiné qu’à la consommation ou alors il est tout simplement perdu, est ce que cela rentre de le cadre admis ? Doit on le consommer en tant que simple réserve de protéines, ou le laisser à la nature qui du coup elle le consomme via d’autres animaux. Il n’est aucune violence animale ou appropriation dans ce processus, soit on le mange, soit on le laisse être manger, soit il est détruit par décomposition. La poule ne va pas le manger elle même.
Bonjour Nico,
A chacun et chacune de faire ses choix en conscience. Personnellement, j’estime que l’œuf d’une poule qui fait sa vie dans le jardin, autant le manger. J’évite autant que possible les œufs industriels pour lesquels le bien-être des poules laisse à désirer. Mais encore une fois : c’est parce que je peux me le permettre financièrement.
Le principal à mon sens est de voir ce qui est OK pour nous, ce qui est en accord avec nos valeurs ou non. Et réajuster au fur et à mesure de notre évolution, de nos moyens, de notre capacité aussi !